vie tranchée
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textes : René Cruse
images  montage : Luca Lennartz
© 2011 Cruse Lennartz
Postface
"...Il a fait la guerre ? Non, la guerre  l'a fait. Tacher sa fougue juvénile du sang de jeunes gens explosés  trempe le caractère. René Cruse n'en manque pas..."
Ambroise Monod
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Postface  La  citation à l’ordre du régiment, avec croix de guerre, le 22 février  1945, est explicite : le brigadier chef « Cruse René s’est fait toujours  remarquer comme agent de transmissions par son allant et la manière  intelligente dont il a rempli les missions qui lui ont été confiées ».Combattre  en 39-45, une injonction. Transmettre, une vocation. Après les ordres  et contre-ordres des chefs de guerre portés sur sa moto d’estafette à   travers explosions, cadavres et balles sifflantes, le jeune soldat,  habité de « souvenirs cauchemardesques », prend les chemins de la  recherche du sens et devient pasteur, c’est-à -dire agent de  transmission.
    Il a fait la guerre ? Non, la guerre l’a fait. Tacher sa fougue  juvénile du sang de jeunes gens explosés trempe le caractère. René Cruse  n’en manque pas. « Après la guerre (…) j’ai trouvé alors que le message  évangélique de paix, d’amour, de justice et de liberté surtout, devait  être proclamé haut et fort, et qu’il pouvait être un remède efficace au  mal que nous avions vécu ».
  Ces feuillets de guerre, retrouvés par hasard, ne  confortent pas seulement, et une fois de plus, l’image de la guerre, ils  offrent aux archives de l’humanité un témoignage « édifiant » et  fondent d’une certaine manière la compréhension d’un destin qu’une  longue amitié m’a donné la chance de connaître.
  A vingt ans, René Cruse  fréquente la tourmente des combats, paie la liberté au prix des horreurs  de la guerre, charge sa mémoire des images de la mort. Mais ne dites  pas de lui « Ancien combattant », ni « nouveau » d’ailleurs. Dites tout  simplement « combattant ». Car sa guerre dure toujours et la rébellion  l’habite encore. L’agent de liaison, souvent sur le mode tonique de la  véhémence, a fait se rencontrer des antagonistes et a jeté des  passerelles entre les oppositions, prenant grand soin de choisir  délibérément son camp.
  Après cinq ans de guerre, vingt-cinq ans de ministère  pastoral lui inspirent le détachement des rituels obligés, des  dogmatismes irréfléchis, des suffisances bourgeoises. La proclamation de  la liberté se fait hors les temples. René Cruse prend le maquis de  l’institution religieuse. Il se présente à la députation et fait  campagne contre le développement de l’arme atomique. Sa voix divise,  mais clarifie. Il ne sera pas élu, mais il a combattu… encore.De  réflexions en prises de position, son pacifisme s’affiche, son  antimilitarisme s’affirme, sa non-violence s’exprime. Le combat  continue.
    Les nouvelles raisons de sa guerre s’affinent : l’économie a pris le  pas sur la théologie, le champ de bataille s’est élargi aux dimensions  du monde, les pouvoirs de l’argent s’imposent sous toutes formes. Et  René Cruse n’en finit pas d’occuper le terrain des hostilités.La  moto de l’agent de transmission est restée embourbée en 1945 quelque  part en Allemagne, un jour de libération. Mais la libération est  toujours attendue. Elle vaut un nouveau combat. René Cruse s’y emploie.  Je vous l’avais dit, c’est un combattant. Non pas in memoriam de sa  guerre passée, mais en espérance de la vie qui vient.Ambroise  Monod
Ambroise Monod (Ã droite)
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